Les bénéfices des Normes internationales du Travail
Les normes internationales du travail concernent avant tout l’épanouissement des personnes en tant qu’êtres humains. Dans la Déclaration de Philadelphie de l’OIT (1944) , la communauté internationale a reconnu que « le travail n’est pas une marchandise ». Le travail n’est pas un produit inanimé comme une pomme ou un téléviseur que l’on peut négocier pour obtenir le meilleur profit ou le prix le plus bas. Il fait partie du quotidien de chacun et il est le fondement de la dignité d’une per- sonne, de son bien-être et de son épanouissement en tant qu’être humain. Le développement économique doit comprendre la création d’emplois et de conditions de travail dans lesquels les travailleurs peuvent travailler en toute liberté, sécurité et dignité. En un mot, le développement économique n’est pas une fin en soi ; il sert à améliorer la vie des êtres humains. Les normes internationales du travail garantissent que le développement économique reste axé sur l’objectif consistant à améliorer la vie des hommes et des femmes et à préserver leur dignité.
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Le travail décent résume les aspirations des êtres humains au travail. Il regroupe l’accès à un travail productif et convenablement rémunéré, la sécurité sur le lieu de travail et la protection sociale pour les familles, de meilleures perspectives de développement personnel et d’insertion sociale, la liberté pour les individus d’exprimer leurs revendications, de s’organiser et de participer aux décisions qui affectent leur vie, et l’égalité des chances et de traitement pour tous, hommes et femmes.
Le travail décent n’est pas qu’un simple objectif, il est un moyen de parvenir aux réalisations concrètes du nouveau programme international du développement durable. Au cours de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2015, le travail décent et les quatre piliers de l’Agenda du travail décent – création d’emplois, protection sociale, droits au travail et dialogue social – sont devenus des éléments centraux du nouveau Programme de développement durable à l’horizon 2030 . L’objectif 8 du Programme 2030 invite à promouvoir une croissance économique soutenue, durable et partagée, le plein emploi productif et le travail décent. En outre, les principales dimensions du travail décent sont largement incorporées dans les cibles d’un grand nombre des 16 objectifs de la nouvelle vision du développement des Nations Unies.
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Assurer un travail décent au sein d’une économie mondialisée requiert une action au niveau international. La communauté internationale relève ce défi en élaborant des instruments juridiques sur le commerce, la finance, l’environnement, les droits humains et le travail. L’OIT contribue à ce cadre juridique en élaborant et en cherchant à promouvoir des normes internationales du travail visant à garantir que la croissance et le développement économiques vont de pair avec la création d’emplois décents. La structure tripartite unique de l’OIT assure à ces normes le soutien tant des gouvernements que des employeurs et des travailleurs. Les normes internationales du travail constituent donc les normes sociales fondamentales minimales convenues par tous les acteurs de l’économie mondiale.
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Un cadre juridique international en matière de normes sociales garantit à chacun des conditions égales dans l’économie mondiale. Il aide les gouvernements et les employeurs à ne pas céder à la tentation d’abaisser les normes du travail dans l’espoir que cela pourrait leur donner un meilleur avantage comparatif dans les échanges internationaux. À long terme, de telles pratiques ne profitent à personne. L’abaissement des normes du travail peut encourager la croissance d’industries à faible niveau de compétence, à bas salaires et à rotation élevée de personnel et empêcher un pays de développer des emplois qualifiés plus stables. Par ailleurs, des pratiques de ce genre freinent la croissance économique des partenaires commerciaux. Parce que les normes internationales du travail sont des normes minimales adoptées par les gouvernements et les partenaires sociaux, il en va de l’intérêt de chacun qu’elles soient appliquées par tous, de façon à ce que ceux qui ne les appliquent pas ne compromettent pas les efforts de ceux qui le font.
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Les normes internationales du travail sont parfois perçues comme coûteuses et donc comme un obstacle au développement économique. Cependant, de plus en plus d'études montrent que le respect de ces normes s'accompagne souvent d'une amélioration de la productivité et de la performance économique.
Des normes sur les salaires minima et la durée du travail ainsi que sur le respect de l’égalité peuvent se traduire par une plus grande satisfaction et une meilleure performance des travailleurs et donc un renouvellement moins fréquent du personnel. L’investissement dans la formation professionnelle peut aboutir à une meilleure qualification de la main-d’œuvre et à davantage d’emplois. Les normes sur la sécurité au travail peuvent réduire le nombre d’accidents coûteux et les dépenses de soins médicaux. La sécurité de l’emploi peut encourager les travailleurs à prendre des risques et à innover. Une protection sociale qui prévoit des systèmes d’allocation en cas de chômage ainsi que des politiques de l’emploi dynamiques peut améliorer la flexibilité du marché du travail et faire en sorte que la libéralisation économique et la privatisation soient durables et plus acceptables pour la population. La liberté syndicale et la négociation collective peuvent améliorer la coopération et la consultation entre travailleurs et employeurs, conduisant ainsi à de meilleures conditions de travail et à une diminution du nombre de conflits du travail coûteux et à une plus grande stabilité sociale.
Les effets positifs des normes du travail ne passent pas inaperçus auprès des investisseurs étrangers. Des études ont montré que la stabilité politique et sociale ainsi que la qualité de la main-d’œuvre sont pour eux plus importantes qu’une main-d’œuvre bon marché lors du choix d’un pays dans lequel investir. Par ailleurs, rien ne prouve que les pays qui ne respectent pas les normes du travail soient plus compétitifs dans l’économie mondiale. Enfin, les normes internationales du travail permettent non seulement de répondre aux mutations du monde du travail aux fins de la protection des travailleurs, mais également de tenir compte des besoins des entreprises durables.
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Même les économies à forte croissance qui emploient des travailleurs très qualifiés peuvent être touchées par une récession économique imprévisible. La crise financière asiatique de 1997, l’explosion de la bulle Internet en 2000 et la crise économique et financière de 2008 ont montré comment des décennies de croissance économique pouvaient être anéanties par une dévaluation spectaculaire des monnaies et par l’effondrement du cours des marchés. Pendant la crise asiatique de 1997 ainsi qu’au cours de la crise de 2008, dans bon nombre des pays touchés, le chômage a augmenté de façon significative. Les effets désastreux de la crise pour les travailleurs ont été aggravés par le fait que, dans beaucoup de ces pays, les systèmes de protection sociale, en particulier d’assurance-chômage et d’assurance-maladie, les politiques dynamiques de l’emploi et le dialogue social étaient peu développés.
Adopter une approche équilibrée entre emploi et objectifs macroéconomiques, tout en prenant en compte les impacts sociaux, peut permettre de répondre à de tels défis.
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Le développement économique a toujours été tributaire de l’acceptation de règles. La législation et des institutions juridiques efficaces garantissent le droit de propriété, l’exécution des contrats, le respect des procédures et une protection contre les délits – autant d’éléments juridiques d’une bonne gouvernance sans lesquels aucune économie ne peut fonctionner. Un marché régi par un ensemble de règles et d’institutions équitables est plus dynamique et profitable à tous. Il en est de même du marché du travail. De bonnes pratiques de travail définies par des normes internationales du travail et appliquées par le biais d’un système juridique national garantissent un marché du travail stable et dynamique tant pour les travailleurs que pour les employeurs.
Il est vrai que dans de nombreuses économies de pays en développement et en transition une grande partie de la main-d’œuvre travaille dans l’économie informelle. De plus, ces pays n’ont souvent pas les moyens d’offrir une justice sociale efficace. Les normes du travail peuvent être des outils efficaces également dans ces situations. La plupart des normes de l’OIT s’appliquent à tous les travailleurs et non pas seulement à ceux qui travaillent dans le cadre de relations d’emploi formelles. Certaines normes, comme celles qui concernent les travailleurs à domicile, les travailleurs migrants, les travailleurs ruraux ou les peuples indigènes et tribaux, traitent en fait spécifiquement de certains domaines de l’économie informelle. Le renforcement de la liberté syndicale, l’élargissement de la protection sociale, l’amélioration de la sécurité et de la santé au travail, le développement de la formation professionnelle ainsi que d’autres mesures prescrites par les normes internationales du travail se sont avérés être des stratégies efficaces pour réduire la pauvreté et amener les travailleurs à s’intégrer dans l’économie formelle. En outre, les normes internationales du travail préconisent la création d’institutions et de mécanismes qui peuvent faire respecter les droits liés au travail. Associées à un ensemble de droits et de règles définis, des institutions juridiques qui fonctionnent peuvent contribuer à donner un caractère formel à l’économie et à créer le climat de confiance et l’ordre qui sont indispensables à la croissance et au développement économiques.
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Les normes internationales du travail sont le fruit de débats qui ont lieu entre les gouvernements, les employeurs et les travailleurs, en consultation avec des experts du monde entier. Elles sont la concrétisation du consensus international qui se dégage sur la façon dont un problème particulier concernant le travail pourrait être traité à l’échelon mondial et elles reflètent la connaissance et l’expérience prévalant aux quatre coins du monde. Les gouvernements, les organisations d’employeurs et de travailleurs, les institutions internationales, les entreprises multinationales et les organisations non gouvernementales peuvent tirer profit de ces connaissances en les intégrant dans leurs politiques, leurs objectifs opérationnels et leurs activités quotidiennes. En raison de leur caractère juridique, les normes internationales du travail peuvent être utilisées dans les régimes juridiques et les administrations à l’échelon national et faire partie du corpus de droit international qui pourra favoriser une plus grande intégration de la communauté internationale.